Archives Saison 2018–2019

Edito Plaquette de la saison
16–17.06
2018

CASA PARADISO

Texte et mise en scène : Domenico Carli
Assistante à la mise en scène : Emmanuelle Ricci

25–29.09
2018

F(L)AMMES

Texte et mise en scène :
Ahmed Madani

05–07.10
2018

SATI(E)RIK !
FILM ET MUSIQUE

13.10
2018

SIGA VOLANDO
CHARANGA CUBAINE

24–18.11
2018

UNE CHAMBRE EN INDE

Une création collective du Théâtre du Soleil dirigée par Ariane Mnouchkine

23.11
2018

BACH – PARTITAS
PARTITAS

25.11
2018

BACH – SUITES FRANÇAISES
SUITES FRANÇAISES

04–09.12
2018

MACBETH (THE NOTES)

D’après William Shakespeare
Mise en scène :
Dan Jemmett

14.12
2018

BAL LITTÉRAIRE LATINO

08–27.01
2019

UN INSTANT

D’après Marcel Proust
Mise en scène :
Jean Bellorini

08–21.02
2019

OMBRES SUR MOLIÈRE

Texte et mise en scène :
Dominique Ziegler

17–24.02
2019

LE VERBE DE BACH LA MUSIQUE DE LA BIBLE

Omar Porras
Cédric Pescia

05–17.03
2019

MA COLOMBINE
CRÉATION

Texte :
Fabrice Melquiot
Mise en scène et interprétation :
Omar Porras – Teatro Malandro

10.03
2019

PROJET XVII : BAUDELAIRE

Guillaume Pi
Michael Borcard

26–30.03
2019

AMOUR ET PSYCHÉ

D’après Molière
Mise en scène :
Omar Porras
Par le Teatro Malandro

04–05.04
2019

KALA JULA

10–14.04
2019

MA BARBARA
CONVERSATIONS AVEC BARBARA

Textes :
Yvette Théraulaz
Mise en scène :
Philippe Morand

02–12.05
2019

EL CID

D’après Corneille
Mise en scène :
Philippe Car

22.05
2019

BLOCH - CLARKE - VON ZEMLINSKY

23.05
2019

KOECHLIN - YSAŸE - BLOCH - KORNGOLD

24.05
2019

BLOCH - KODÁLY - SZYMANOWSKI - SCHULHOFF

25.05
2019

BLOCH - KŘENEK - VERESS - ENESCU

26.05
2019

JANÁČEK - LEVINA - KLEIN - BLOCH

Edito

Omar Porras

«DANS UNE FORÊT,
J’AI SENTI À PLUSIEURS REPRISES
QUE CE N’ÉTAIT PAS MOI
QUI REGARDAIS LA FORÊT.
J’AI SENTI,
CERTAINS JOURS,
QUE C’ÉTAIENT LES ARBRES
QUI ME REGARDAIENT,
QUI ME PARLAIENT…
MOI, J’ÉTAIS LÀ, ÉCOUTANT…»
Paul Klee

 

Ces mots du grand peintre Paul Klee témoignent des sensations, des révélations et des échos mystérieux d’où surgissent la semence et les graines de l’œuvre d’art. Au théâtre, l’acteur «vit» aussi dans la fascination de ses sensations, où toutes les figures, les apparitions dans les pays des fables, constituent les pouvoirs de l’âme du comédien, ses états profonds, ses vérités, qu’imprègnent ses mots et ses gestes pour nous les rendre visibles et réels sur scène par sa seule présence. L’acteur se laisse donc transpercer par le regard de la forêt. Comme le peintre, «il doit être transpercé par l’univers et non vouloir le transpercer».

Notre métier est un artisanat de la restitution: il représente aussi un rituel, un parcours énigmatique et révélateur dans un quotidien «hors normes» que nous devons apprendre à côtoyer, à accepter et à déchiffrer dans une jungle peuplée d’imprévisibles.

L’acteur nourrit le théâtre avec sa propre histoire, ses expériences et ses nécessités; il prête son corps; il devient personnage et paysage ; il se laisse atteindre par une Visitation qui éclaire les sens du spectateur.

L’acteur nous rassemble non pour marcher au pas, applaudir en rythme, parler d’une voix et pensée uniques, mais pour tisser des liens qui font du spectacle un événement vivant, une fusion d’horizons, un dialogue intime à la fois physique, organique et spirituel.

Oui, Albert Camus a raison de nous dire qu’«il faut un grand courage aujourd’hui pour se déclarer fidèle aux choix de l’esprit». Mais n’est-ce pas fondamentalement sa vocation que de rappeler qu’en chaque homme, il y a un dieu à aimer, une vie à défendre, un univers à explorer? Camus l’affirme dans Le Témoin de la Liberté: «Le monde de l’artiste est celui de la contestation vivante et de la compréhension. Je ne connais pas une seule grande oeuvre qui se soit édifiée sur la seule haine».

Or, précisément, faire venir le Théâtre du Soleil à Lausanne, avec Une Chambre en Inde, c’est nous permettre de nous souvenir que l’astre dont cette troupe porte le nom comme un étendard est le même pour tous les hommes; c’est appeler au dialogue, au partage, à la joie, à la poésie, au rêve et au réel tout à la fois, à la réflexion, à l’échange dialectique dans un monde de violence, de consumérisme, de formatage idéologique, de catastrophes écologiques, de totalitarismes, de guerres, de terrorisme, oui, mais où l’espoir, l’amour, l’art sont des leviers de résistance pour l’esprit, la chambre d’échos de ceux qui aident les fleurs bénéfiques à éclore, les grains de pollen à trouver le chemin des pistils…

Partager ensemble quelques jours à Lausanne avec Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil est aussi un symbole puissant et fédérateur pour un territoire, un métier, en associant une myriade de structures, publiques et privées (de Neuchâtel, La Chaux-de fonds, Yverdon-les-Bains, Lausanne, Renens et ses communes de l’Ouest lausannois, Genève, les communes de Carouge et de Meyrin, l’UNIL…), des femmes et des hommes passionnés par le théâtre et la culture, leur force de rassemblement, tous tournés vers un public pensé comme une parcelle de la terre qu’ils souhaitent aussi unir et mettre en mouvement devant les mots, les images et la musique du monde.

Ainsi le TKM coproduit la venue du Théâtre du Soleil avec le Théâtre de Carouge- Atelier de Genève ; les autres théâtres partenaires sont la Comédie de Genève, le Théâtre Benno Besson d’Yverdon-les-Bains, le Théâtre du Passage de Neuchâtel, le Théâtre Forum Meyrin, le Théâtre populaire romand de La Chaux-de-Fonds, le Théâtre Vidy-Lausanne et l’UNIL – La Grange de Dorigny – tous impliqués dans cette superbe aventure.

Il faut souligner que la coproduction avec le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève pour la venue d’Une Chambre en Inde vibre au diapason d’une éthique artistique commune et plonge ses racines dans le terreau même de l’histoire du Teatro Malandro, toujours soutenu par cette institution – par laquelle les créations sont fidèlement coproduites et accompagnées. Un autre théâtre genevois joue un rôle important dans cette nouvelle saison, le Théâtre Am Stram Gram, qui coproduit Ma Colombine, le solo écrit par Fabrice Melquiot que je crée et interprète cette saison.

Cette saison sera riche aussi grâce aux visions et aux nobles combats poétiques à ciel ouvert d’autres grands artistes, d’autres grands poètes comme Ahmed Madani, Philippe Car, Jean Bellorini, Cédric Pescia, Dominique Ziegler, Fabrice Melquiot, Dan Jemmett, Yvette Théraulaz, Vincent Zanetti, qui évoqueront par leur création, non comme témoins, mais comme protagonistes, les remous des grands drames de notre époque, avec la gravité, l’humour et la rigueur nécessaire, sans tomber dans la commisération, pour nous prouver aussi combien le théâtre est nécessaire, combien, oui, «il peut sauver des vies, éteindre des incendies, allumer des coeurs», comme le rappelle un des personnages d’Une Chambre en Inde.

Tous ces artistes, artisans, musiciens, techniciens et poètes aux accents de toutes les mélodies investiront le TKM pour dessiner sur notre scène la carte mythologique de l’humanité.

Quel serait le monde sans ces conteurs d’histoires, sans ces rhapsodes, qui sont capables en un geste de donner le souffle de la vie à des personnages légendaires, qui traversent la scène de nos rêves sur la pointe des pieds, comme sur un autel sacré? Quel serait le théâtre sans ces maîtres qui, comme par miracle, ouvrent la fenêtre de notre imaginaire pour faire entrer une incarnation salutaire d’espoir et de liberté? Quel serait le monde sans un augure de vitalité, sans la parole du poète qui pourrait paraître pour certains un état ou une forme d’innocence, bien plus bénéfique que le scepticisme de notre temps?

Le théâtre est un des rares espaces dans notre monde où l’impossible devient possible; c’est cet endroit où la raison trouve ses limites et où la force du mal se fatigue – mais il est aussi le pays où le divin et le sacré commencent, là où l’être humain peut se nourrir d’éternité.

Rappelons-nous cette anecdote attribuée à Héraclite d’Éphèse, qui, se chauffant au feu de sa cuisine, dit à un groupe de visiteurs hésitant à entrer: «Entrez, il y a des Dieux aussi dans la cuisine».

Cher public, chers et chères partenaires, votre aide, votre compagnie, votre présence au théâtre sont aussi un engagement; une réponse à la vie, dans sa plénitude et sa réalité. Votre regard est une lumière qui éclaire nos doutes, nos peurs et nos faiblesses; votre main tendue est une invitation à célébrer la joie dans le grand théâtre du monde dont nous sommes tous les enfants.

 

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