Attaché à la transmission et à la formation, Omar Porras conçoit l’enseignement comme une recherche perpétuelle dans une relation de réciprocité qui nourrit aussi bien l’enseigné que l’enseignant. Parallèlement à ses mises en scène, il dirige régulièrement des ateliers pour comédiens et pour danseurs professionnels. Ces ateliers sont axés sur le travail de l’acteur et du jeu masqué, ainsi que sur la conscience du geste comme vecteur de sens et de la respiration.
La démarche d’Omar Porras, basée sur le mouvement du corps et sa projection dans l’espace, s’inspire à la fois de la tradition occidentale (la biomécanique) et orientale (les théâtres balinais, indien et japonais).
Comme l’athlète, l’acteur doit entraîner son corps et en étudier la plastique, grâce à une large palette d’exercices. Des exercices qui visent à une meilleure connaissance des mécanismes et des capacités de récupération de l’organisme humain.
S’il est fondé sur le mouvement, le théâtre d’Omar Porras n’en néglige pas pour autant la parole. Le texte a même, en tant que matière première, une place privilégiée dans sa recherche. L’œuvre sélectionnée, libérée de tout carcan littéraire, est d’abord soumise à l’improvisation des comédiens pour mieux explorer ses potentialités théâtrales. Tout au long de cette longue phase préparatoire, la mise en scène et l’adaptation subissent des modifications plus ou moins radicales, en fonction du travail effectué sur le plateau; et ce, jusqu’aux dernières répétitions, parfois jusqu’à la générale et même au-delà. Le texte ainsi obtenu entre en totale symbiose avec la création théâtrale dont il résulte et il ne peut plus en être dissocié, désacralisant la lettre pour mieux jurer fidélité à l’acte théâtral. Le stage, l’atelier, le laboratoire deviennent, dans un tel contexte, les instruments essentiels de la formation et de la recherche.
Nombreux sont les aspects à explorer en vue de l’interprétation des textes :
la présence de l’acteur et la conscience que celui-ci a de l’espace ;
le développement de l’improvisation ;
la manipulation de masques.
Ces derniers jouent un rôle capital aux yeux d’Omar Porras : utilisés librement et selon les besoins du projet artistique, ils participent intimement à la construction dramatique des personnages.
Le metteur en scène place au centre de sa recherche créative les artisans du spectacle et leur inventivité :
sont conçus directement – organiquement – sur les planches.
Une telle démarche n’est possible que si tous les artisans du spectacle mettent leurs compétences en commun : qu’ils soient comédiens, techniciens ou musiciens, ils assistent en principe à toutes les répétitions, dans la mesure où chacun peut apporter une contribution parfois décisive au spectacle qui est en train de se construire.
Dans ses ateliers, Omar Porras conscientise la source profondément musicale du jeu de l’acteur, cherche « d’où émane l’énergie vitale du mouvement », comment parvenir à « la reconnaissance de l’âme de sa propre musique intérieure, de son rythme, de sa mélodie pour mieux s’accorder aux vibrations de l’“espace musical” qui l’entoure. »
Et d’expliquer plus avant : « Je travaille à l’émerveillement de notre premier pas d’acteur pour rester éveillé à ce premier mouvement qui va créer une marche, un pèlerinage, laisser une trace. Pour aller vers quoi ? Vers le personnage. Tous les pas de Suzuki, comme d’un Shite, d’un danseur de Kathakali ou de Topeng, sont les pas de l’humanité théâtrale. L’acteur est debout. Il marche. Il prend conscience de cette étape initiale. Et comme une ligne est constituée d’une infinité de points, cette ligne, cette marche, est en spirale jusqu’à l’élévation à l’infini.
De même un geste est un idéogramme qui doit être précisé, propre et singulier. Dans ce travail au plateau, il s’agit de saisir cette singularité de l’idéogramme de l’acteur qui est unique, qui ne répond à aucune codification arrêtée dans un système fermé, qui est une codification singulière, personnelle, exceptionnelle, mais aussi universelle, car elle peut entrer en correspondance avec les autres idéogrammes du choeur, en un tissage, à la fois invisible et palpable.
Ce travail est une métaphore de la musique. Je cherche l’authenticité qu’il y a dans le corps de l’acteur, dans son instrument fait d’émotions et de vibrations qui vont créer chez le partenaire-acteur comme chez le partenaire-spectateur un flux d’énergies. »
Est ainsi appréhendée dans le travail au plateau d’Omar Porras, la grammaire de l’acteur en métamorphose, devenant dès son entrée en scène un personnage qui existe par la conscience de ses niveaux d’occupation de l’espace, comme de sa musicalité, d’une dynamique, d’un rythme, d’une vitesse, d’une pulsation particulière – ce que cette Masterclass vous invite à expérimenter.
Public cible : comédiens et comédiennes professionnel·le·s
Dates et tarif :
Du 19 au 22 décembre 2023
Du 8 au 11 mai 2024
CHF 500.- pour 4 jours, de 10h à 18h
Places limitées
Candidature : envoyer un CV et une lettre de motivation à: jpasquier@tkm.ch
Délais d’inscription :
19 novembre pour la Masterclass de décembre
20 février pour la Masterclass de mai
Sous la direction de Giulia FILACANAPA, Guy FREIXE et Brigitte PROST
Le masque, depuis la fin du XIXe siècle, avec l’avènement du symbolisme, a suscité des engouements, des espoirs, des rêves et a été la source d’utopies théâtrales fécondes. Il a servi de tremplin à partir duquel diverses voies, parfois contradictoires, ont été explorées. De Gordon Craig au Théâtre du Soleil en passant par Oscar Schlemmer, Jacques Copeau et Giorgio Strehler, du sacré à l’épique, de l’abstraction au grotesque, les esthétiques théâtrales du XXe siècle, dans leur besoin de se dégager du naturalisme, ont trouvé dans le masque des éléments de réponse pour proposer une forme cohérente et puissante à l’expression scénique. Après un temps où le masque semble s’être éloigné des scènes contemporaines, celui-ci paraît amorcer un retour depuis une vingtaine d’années, dans les champs transdisciplinaires du spectaculaire vivant (danse, théâtre, marionnette, performance, opéra).
Pour comprendre ce renouvellement des fonctions et usages du masque scénique dans les arts du spectacle au XXIe siècle, nous avons lancé un programme de recherche, dès 2020, à la MSH Paris Nord, en partenariat avec l’Unité de recherche Scènes du monde (EA1573) de l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et le Laboratoire de recherche ELLIADD (EA 4661) de l’université Franche-Comté, dans l’objectif de chercher à comprendre les évolutions esthétiques de l’usage du masque scénique en lien avec les mutations de nos sociétés.
Cette rencontre internationale est la sixième étape de notre recherche qui donnera lieu en 2024 à la publication de l’ouvrage Le Masque scénique aujourd’hui, aux éditions Deuxième Époque, dans la collection « À la croisée des arts ». Nous souhaitons la fin de ce premier cycle de travaux sous forme d’ouverture et de dialogue avec ceux qui sont en première ligne, les artisans du masque, les créateurs de cet instrument fragile et puissant qui sait ménager l’absence pour manifester une pleine présence. Car s’il est vrai qu’un masque n’est pas un objet qui se suffit à lui-même, si le corps de l’acteur en scène lui est nécessaire, s’il est en quelque sorte un fantôme en mal d’incarnation, il n’en reste pas moins vrai qu’il faut qu’il soit pensé et investi par un imaginaire, élaboré et fabriqué dans un élan créatif qui appartient à l’univers spécifique de chaque créateur de masque. Nous avons choisi de réunir quelques-uns de ces artistes parmi les plus significatifs de la scène contemporaine pour échanger dans le cadre d’une table ronde autour de diverses problématiques liées aux processus de création de ces instruments du jeu de l’acteur. Ce faisant, il s’agit de mettre au cœur de nos réflexions l’artisanat inhérent au spectacle vivant.Affiche masques
Intervenants :
Etienne Champion, Sculpteur et créateur de masques (France, Strasbourg)
Francis Debeyre, Créateur de masques (France, Lille)
Matteo Destro, Créateur de masques, pédagogue, directeur de l’Atelier Mask Movement Theatre (Italie, Pise)
Thierry François, Créateur de masques (France, Bec de Montagne)
Cécile Kretschmar, Créatrice de masques, maquillages, perruques, prothèses pour le théâtre (France, Paris)
Stefano Perocco di Meduna, Créateur de masques et scénographe (Italie, Venise)
Omar Porras, Metteur en scène, Comédien et directeur artistique du TKM-Théâtre Kléber-Méleau (Suisse,
Lausanne)
Hajo Schüler, Comédien, chorégraphe, créateur de masques (Allemagne, Berlin)
Problématiques et axes des réflexions
13h45 : Accueil public
14h00 : Session 1 « Processus de création et gestus »
Axe 1 : Formation et filiation
Y a-t-il une revendication chez vous de filiation, le cas échéant, vous vous inscrivez dans quelle lignée ? Si vous êtes autodidacte, pourriez-vous nous expliquer comment vous avez forgé vos outils de création ? (TOUT LE MONDE EST INVITÉ À REPONDRE)
Axe 2 : Familles et traditions de masque
Masque neutre pour l’apprentissage du comédien ; masques types de la commedia dell’arte ; masque « épique » dans la lignée brechtienne : comment voyez-vous ces typologies ? Est-ce que ces catégories correspondent encore à votre quotidien de création ? Est-ce que pour vous il y a des familles de masques auxquelles vous vous référez ? Quelles sont vos sources de création ? Est-ce que les familles et les traditions de masques sont une source créative ? (TOUT LE MONDE EST INVITÉ À REPONDRE)
Axe 3 : Masque et dramaturgie
Peut-on faire des masques pour n’importe quel texte dramatique ? Quels sont les écueils que vous avez rencontrés ? Le texte en soi est-il, ou non, un facteur déterminant pour la création du masque ?
Axe 4 : Hyperréalisme et « transparence »
Quels problèmes pose l’hyperréalisme pour la création de masques ? Quelle fonction peut avoir un masque « qui ne se voit pas » à la scène ? Utiliser le masque sans magnifier la théâtralité, en créant des masques « transparents », quels enjeux, quels défis pour vous ?
15h50 : Echanges avec la salle
16h00 : Pause-café
16h30 : Session 2 « Anthropocène et tekhnè »
Axe 5 : Matériaux et fabrication
Quels sont les matériaux que vous utilisez ? Quelles sont les évolutions de vos pratiques dans la fabrique des masques ? Prenez-vous en compte la pérennité des matériaux ? Comment vous situez-vous par rapport à la question d’« écologiser » les pratiques artistiques ?
Axe 6 : Le vivant et l’humain
Comment voyez-vous l’hybridation avec le vivant (animal, végétal, forces de la nature, etc.) ? Comment traitez-vous des « personnages » non humains ? Comment dépasser l’humain par le masque ? Quelles influences ont pour vous les traditions masquées du monde sur les masques scéniques (traditions rituelles et carnavalesques) pour représenter le vivant ?
Axe 7 : « Masquillage »
Quels rapports établissez-vous entre le masque et le maquillage ? Considérez-vous que ces deux pratiques relèvent de métiers différents ? Qu’est-ce qu’on entend par masque et à quel moment un maquillage dévient du « masquillage » ?
Axe 8 : Un métier en devenir
La place de l’artisanat du masque au théâtre : quels exemples vertueux ? Comment le métier de créateur de masque évolue-t-il à l’aune des changements socio-économiques du spectacle vivant ?
18h15 : Echanges avec la salle
18 h 30 : Fin des travaux
19 h 30 : Spectacle El Gringo, mise en scène Karl Eberhardt, à Chavannes-près-Renens avec les masques de Loïc Nebreda et Joséphine Pugliesi.
Organisation, direction scientifique et orchestration du débat :
Giulia Filacanapa, Maître de conférences en Arts du spectacle et études italiennes à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis
Guy Freixe, Professeur émérite en Arts du spectacle à l’Université Bourgogne Franche-Comté
Brigitte Prost, Professeur en Arts du spectacle à l’Université Bourgogne Franche-Comté
Partenaires institutionnels :
Université Bourgogne Franche-Comté (ELLIADD), Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis (EA 1573), MSH Paris Nord, MSHE Claude Nicolas Ledoux.
Partenaires artistiques :
TKM Théâtre Kléber Méleau, Omar Porras (dir.).
Editeur partenaire :
Deuxième Epoque
Du 4 au 14 novembre 2021
Plus d’informations sur le site d’ARTA.
La première phase du travail consiste en un training qui vise à l’éveil de « l’équilibre » qui va contribuer à appréhender un état particulier, celui de « la présence », mais aussi la gestion du corps dans l’espace et la mise en place d’une dynamique particulière qui permettront d’harmoniser l’ensemble du travail au plateau. Ce faisant, se construit un alphabet gestuel. C’est le corps qui devient pinceau, qui dessine sur la page blanche de la scène, et fait surgir l’idéogramme : le « corps extra-ordinaire, extra-quotidien » ; le geste qui se fait poème, méditation en mouvement.
Une deuxième phase consiste à improviser, puis à analyser les textes de différentes natures que chaque participant apporte et qui lui sont propres (poèmes, monologues, extraits de récits…). Ces improvisations seront ensuite explorées dans la pratique tout en servant à organiser un langage singulier qui sera l’abécédaire de chaque acteur, le vecteur pour esquisser les contours de son personnage.
La troisième phase de la recherche consistera à confronter les abécédaires des uns et des autres en vue de faire se rencontrer le langage poétique de chacun : dans le collectif, le singulier de l’acteur-poète se fait monde.