Puisque nous sommes perdus, pourquoi n’agissons-nous pas en frères ?
S’interroge Edgar Morin, en écho à Albert Cohen dans Belle du Seigneur.
Il est temps de vous annoncer enfin, cher public, la deuxième partie de notre saison 21-22. Nous avons attendu ce mois de décembre non par méfiance, peur ou superstition, non (encore moins) par calcul ou par stratégie, ni pour faire preuve d’intelligence ou de résistance. Non. Tout simplement, nous naviguons à vue dans la mer de transcendance en écoutant le chant des sirènes pour avancer sereinement avec la pesanteur du temps.
Nous voyons aussi que maintenant tous les concepts et attitudes d’esprit vont peut-être même changer de nom ; le philosophe Glenn Albrecht, inventeur de ces néologismes du temps, la solastalgie et la symbiocène, dit que «nous vivons aujourd’hui une guerre émotionnelle ouverte entre les forces de création et les forces de destruction sur cette Terre » et ce, pour notre bonheur, car celle-ci exalte avec optimisme la sagesse collective qui nous pousse à résister face au pessimisme effroyable : c’est cette noble inclination que nous offre la voix profonde, mystérieuse et salvatrice de la poésie, l’antidote qui donnera la valeur juste aux forces de la création.
Nous pouvons tous répondre à l’incertitude et au déséquilibre émotionnel et spirituel dans lesquels nous naviguons aujourd’hui avec les outils de notre imagination opiniâtre, curieuse et créative, car ces outils n’appartiennent pas qu’à l’artiste. Ils appartiennent à toute la société, pour affirmer que l’art, la poésie, l’affectivité, l’amour, l’empathie, le bonheur, avec leurs pouvoirs exaltants et régénérateurs, sont capables d’éreinter la pensée fixe, la désunion, l’appétit vorace et prédateur, pessimiste et dénué de visions, en un acte de spiritualité qui relie tous les vivants pour la reconstruction émotionnelle entre la Terre et nous.
Cher public, nos salles de théâtre, ces temples de la vie, attendent votre présence, vos gestes et vos murmures, car ils sont aussi une réponse d’attention et de courage face au silence que nous suggère l’univers. Ensemble nous pouvons « réenluminer la fraternité », continuer de chanter comme nos ancêtres « à la Lune », « à l’Eau », « au Feu », « au Colibri », « à notre Pacha Mama ».
Et ce chant, ce poème, sera un baume de résurrection pour guérir notre « arbre émotionnel » : la poésie est une constante renaissance du divin.
J’aspire, nous aspirons, à vous revoir, à nous revoir, à vous inspirer!
Omar Porras
Solastalgie : sentiment ressenti face à un changement environnemental stressant et négatif. Symbiocène : ère caractérisée par des émotions positives envers la Terre.