Parler de pays disparus
Les faire ressortir de listes incongrues
Grâce aux hommes et aux femmes qui y ont vécu
Pourquoi pas ?
Zatopec est l’un d’eux
Avec sa Tchécoslovaquie
Ç’aurait pu être Pergame
Le Sélangor et Uruk
Le Royaume de Wurtenberg
L’Abyssinie ou Babylone
La Confédération de Sénégambie
Le Nyassaland et la Kakhétie
Le Sultanat d’Hadramaout
Voire la Terre d’Eburnie
Le Royaume de Xochicalco
Ou le Pays des Zapotèques
Comment ?
Zatopec ou Zapotèques ?
Si si les Zapotèques !
Ceux du Nouveau Monde
Loin de la Vieille Europe
Des crispations communistes d’alors
Loin de la salade de chou sucrée
Et des eaux surannées de Karlovy Vary
Loin des stades en folie
Des discours calibrés sur le bonheur des camarades
Parfaitement les Zapotèques
Ceux de la Méso-Amérique
Les voici sous vos yeux
Droit de cité en vos cœurs
Avec leurs ors et leurs plumes
Leurs femmes au pouvoir et leurs calculs en base vingt
Leurs hiéroglyphes et leurs cultes des morts
Leurs dieux de la foudre et de la pluie
Leurs dieux du maïs et de la lumière
Assurément plus lumineux
Que le cafard tchécoslovaque
Même métamorphosé et génial
Plutôt en soif de liens avec les astres
Que d’individualité affirmée
Dans une société de carton-pâte
Résignons-nous l’Europe est plus terne
Elle résonne plus creux
Elle se noie dans la cervelle
Laissant choir les sens dans les bas-côtés
Bon vous saviez déjà ou savez désormais
Que Zapotèque n’est pas uniquement
Une insulte du Capitaine Haddock
D’ailleurs ce dernier courait moins vite
Que notre regretté Zatopec
Et buvait vraisemblablement plus
Mais revenons à la matière
Aux métaux qui reflètent nos humeurs
Rendez-vous à Prague
Devant le siège de la Loterie tchèque
Pour saluer un Zatopec de bronze
Lui qui aurait dû être au moins doré
Après son triplé d’or
Ou préférez-vous Lausanne ?
Dans le jardin du Musée olympique
Là il court pour toujours
Dans ses étranges grimaces
Dans sa langue où « vìtěz » signifie champion
Odile Cornuz, décembre 2017