Tout est prêt pour accueillir le prochain spectacle, La Trilogie sur le théâtre. Les enseignes sont accrochées, les affiches placées. La porte principale est encore fermée à ce matin. Personne à la billetterie. J’entre par l’atelier. Une femme peint le décor dupliqué de La Visite de la vieille dame. Tous les accessoires ont été moulés, toilés. La peinture représente la touche finale. Un faux poisson pend au stand déglingué, à côté de saucissons approximatifs. Le carreau de l’épicerie à roulettes est cassé. Les couronnes mortuaires sont prêtes, appuyées contre les bagages agglomérés. Un fusil et un pistolet attendent sur la table. Le chargement du container est prévu pour bientôt. Assise sur un tabouret, une photo du décor original sur les genoux, la peintre en décor fait son travail, seule dans l’atelier. Personne au bureau. Personne à la technique. Dans le foyer, le frigo fait son bruit de frigo, les lumières du bar sont allumées, le jour entre par les puits de lumière. Comment un théâtre est-il théâtre quand il n’y a pas représentation ? Grâce à tous ces préparatifs. Grâce à la peintre sur son tabouret qui applique sa peinture à petites touches. Grâce aux paquets de café qui attendent d’être ouverts au bout du bar. Grâce aux tables et chaises qui attendent. Tout un lieu qui attend. Un lieu ouvert, un lieu de création, d’accueil, un lieu de mots et de corps. Un lieu de conflits, un lieu de rêves. Un lieu à soi et à personne. Un lieu à tout le monde. Un lieu dont on fait ce qu’on veut – dès qu’on l’investit d’une énergie particulière, d’un souffle – un lieu à respecter, évidemment. Un lieu à faire vivre, avec ses habitants permanents, ses amis, ses habitués. Voici une cellule sociale, une usine à rêve, un lieu d’évasion, un lieu d’émotion.
Odile Cornuz, semaine du 25 janvier 2016