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LE CONTE DES CONTES – ANNULÉ d'après Giambattista Basile

17.03–09.04.20

CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE :
OMAR PORRAS
ADAPTATION ET TRADUCTION :
MARCO SABBATINI ET OMAR PORRAS

PAR LE TEATRO MALANDRO
CRÉATION

mar, mer, jeu, sam : 19h
ven: 20h
dim: 17h30

ANNULATION DE TOUTES LES REPRÉSENTATIONS DU CONTE DES CONTES

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« Elle » était une fois, la famille Carnesino, qui n’ayant pas trouvé d’antidote pour guérir son fils Prince de sa mélancolie et de sa mauvaise humeur, fait appel à la thérapie révolutionnaire d’un certain Docteur Basilio

Ses remèdes sont de savoureuses aventures, des contes servis à l’heure du repas dominical par le cuisinier Corvetto Filadoro. Figurent notamment au menu l’histoire de la nourrice de cette famille, Caradonia Italia, qui fut autrefois La Belle Endormie ; celle de la jeune Preziosa qui se coupe les mains pour ne pas satisfaire la folie incestueuse de son père ; le récit de Zapatella la paysanne, qui n’ayant pas pu avoir d’enfant, adopte un mystérieux et gentil serpent…
Notre pauvre Prince retrouvera-t-il son sourire grâce aux grandguignolesques contes tragi-comiques et musicaux de ce facétieux Doctor ?

Vous qui croyez aux œufs de loup et aux peignes à une dent, courez vite acheter le remède à offrir aux incrédules : venez voir le premier épisode du Conte des contes du Teatro Malandro inspiré des fabuleux écrits du légendaire Giambattista Basile, mort dans une forêt enchantée de la campagne napolitaine et dont l’âme de cristal repose, depuis quatre siècles, dans la mémoire de tous les conteurs…

OMAR PORRAS — Né en 1963 à Bogotà, Omar Porras fonde à Genève le Teatro Malandro en 1990. Depuis, il n’a eu de cesse de nourrir son art de metteur en scène de traditions pluriculturelles que ce soit pour des opéras : L’Élixir d’amour (2006), Le Barbier de Séville et La Flûte enchantée (2007), La Périchole d’Offenbach (2008), La Grande-Duchesse de Gérolstein (2012), Coronis (2019), avec des textes classiques: Faust (1993), Othello (1995), Roméo et Juliette (2012), Les Bakkhantes (2000), Ay! QuiXote (2001), El Don Juan (2005), Pedro et le commandeur (2006), Les Fourberies de Scapin (2009), Amour et Psyché (2017), ou des textes plus contemporains : La Visite de la vieille dame (1993, 2004, 2014), Ubu Roi (1991), Noces de sang (1997), L’Histoire du soldat (2003, 2015), Maître Puntila et son valet Matti (2007), Bolivar : fragments d’un rêve (2010), L’Éveil du printemps (2011), La Dame de la mer (2013) ou Ma Colombine (2019).

ÉQUIPE ARTISTIQUE :
Conception et mise en scène :

Omar Porras
Par le Teatro Malandro

Adaptation et traduction :
Marco Sabbatini et Omar Porras
Assistante à la mise en scène :
Capucine Maillard
Scénographie :
Amélie Kiritzé-Topor
Composition, arrangements et direction musicale:
Christophe Fossemalle
Costumes :
Bruno Fatalot
Assistante costumes :
Domitille Guinchard
Couture :
Karine Dubois
Stagiaire couture :
Margaux Bapst
Accessoires et effets spéciaux :
Laurent Boulanger
Assistants accessoires :
Lucia Sulliger
Tapissier et décorateur :
Yvan Schlatter
Stagiaire accessoires et construction :
Viviane Mentha
Maquillages et perruques :
Véronique Soulier-Nguyen
Assistante maquillages et perruques :
Léa Arraez
Régie générale et plateau :
Gabriel Sklenar
Création sonore :
Emmanuel Nappey
Création lumière :
Benoit Fenayon
Régie lumière :
Marc-Etienne Despland
Construction :
Christophe Reichel, Alexandre Genoud,
Chingo Bensong et Noé Stehlé
Peinture :
Béatrice Lipp et Martine Cherix
Chorégraphie :
Erik Othelius Pehau-Sorensen
Apprentis techniscenistes du TKM :
Léo Bachmann et Arno Fossati
Direction technique du TKM :
Nicola Frediani

Avec :
Simon Bonvin
Jonathan Diggelmann
Philippe Gouin
Angèle Humeau
Jeanne Pasquier
Cyril Romoli
Audrey Saad

Production et production déléguée :
TKM Théâtre Kléber-Méleau, Renens
Coproduction : Théâtre de Carouge

Avec le soutien de : Pour-cent culturel Migros, Fondation Champoud

La chanson « Angel » a été composée par P. Gouin (paroles Medina/Gouin)

« Qui point ne voyage, rien ne voit ; qui rien ne voit, rien n’apprend ; qui se perd revient expert. »

— Il Pentamerone

Raconter ou écouter un conte, quel moment exaltant ! Se laisser entraîner par le vertige de l’imagination, s’engager sur le chemin de l’inconnu, se risquer à rencontrer son « âme nue » dans la forêt obscure de « soi-même ». S’aventurer dans les contrées du conte, c’est peut-être aussi l’acceptation d’une renaissance de l’âge de l’innocence. À la différence des mythes et des légendes, les contes sont proches de notre quotidien. Ces héros désœuvrés, ces femmes amoureuses, ces êtres égoïstes, timides, ambitieux, paresseux ou maladroits… ils parlent de nous, nous réinventent, nous révèlent; ils chantent nos vies, nos désirs; ils excitent notre fantaisie, nous ramènent à la source même de nos émotions pour mieux éveiller l’enfant rêveur qui sommeille en nous.

L’espèce humaine est la seule qui prie, qui mente, qui raconte et transforme verbalement ses réalités en rêves et ses rêves en réalité. C’est au théâtre que le verbe peut être incarné, et que le conte se fait corps, matière qui respire et qui chante. Grâce au pouvoir du théâtre et au fil délicat et chaleureux de la parole, la voix humaine tisse – sous la lumière des étoiles ou dans l’obscurité d’une grotte – le corps invisible d’un magicien, d’un génie prisonnier, d’un dragon chanteur, d’une armée de chevaliers ailés, d’un arbre qui pleure des larmes d’or ou d’un euve qui danse parce qu’il est ensorcelé.

Bruno Bettelheim nous dit que les contes « nous révèlent notre véritable identité », ils sont une boussole qui nous montre les modèles du comportement humain, « l’ami de la sagesse ». Tel un maître d’apprentissage, ils nous aident à comprendre le monde, à nous orienter pour affronter la vie et ses humeurs.

Raconter un conte, c’est réinventer une histoire !

Les mythes et les légendes ont souvent inspiré les créations du Teatro Malandro, comme ce fut le cas pour Ay ! Quixote, Amour et Psyché ou Noces de Sang. Ces œuvres dramatiques et littéraires, souvent décrites comme des œuvres baroques, sont les éléments d’une fresque composée de personnages grotesques, musicaux et drôles qui évoluent dans une fantasmagorie bariolée. Le Teatro Malandro compte une quarantaine de créations – l’enchantement de trente années de pèlerinages dans les théâtres d’Europe et d’ailleurs. Aujourd’hui, il s’empare de l’âme populaire, de la brutalité poétique de la parole paysanne, de l’héritage de plusieurs siècles de tradition orale rassemblé par Giambattista Basile, l’un des plus grands « aventuriers honorables », dans son ouvrage Lo Cunto de li cunti, Le conte des contes, o Il Pentamerone. Cet ouvrage écrit à l’origine en dialecte napolitain, en 1634 est un trésor de fables recueillies à Naples, en Toscane, en Sicile et à Venise dans les tavernes et les rues de l’Italie du XVIIème siècle.

Proverbes, formules magiques, musique, allocutions païennes… ces fables que racontent les femmes et les hommes du peuple sont d’une extravagance verbale savoureuse! La nature y est personnfiée, les descriptions amoureuses et les salves d’insultes y constituent une source d’inspiration inépuisable. C’est une ribambelle d’histoires où le grotesque se mêle au sublime. Ces récits sont la source même à laquelle ont puisé – on l’ignore trop souvent – des auteurs célèbres tels que Perrault, les frères Grimm, Alan Poe, Irving et bien d’autres à travers les siècles. Ceux-ci les ont réinterprétés, adoucis, tempérés pour nous offrir les ver- sions qui hantent nos mémoires.

Il Pentamerone, lui, est un diamant brut, intact, cruel, immensément drôle, radical, entier et puissant. Il est Le Conte des contes, dont les histoires incantatoires nous capturent, nous transportent. Nous, nous allons les chanter. Do-ré-mi – Le Conte des contes – fa-sol-la-si ! C’est à moi-même et à Marco Sabbatini, fidèle compagnon de route, que revient la tâche de convoyer l’univers de Basile dans celui du Teatro Malandro, ouvert à la métamorphose, à la réinvention, au fantasque, à l’inattendu, à l’amour de l’illusion et de la vérité à travers le prisme du moderne et du contemporain. Une adaptation infidèle à la lettre pour être mieux fidèle à l’esprit, sans rien sacrifier de la drôlerie, de la cruauté et de la sensibilité de personnages dans lesquels nous pouvons nous reconnaître toutes et tous, dans notre rêve – si baudelairien – d’« enfance retrouvée à volonté ». Une enfance que l’univers du conte nous permet de vivre ou de revivre en nous conviant à un beau voyage où grands et petits se rejoignent dans un même élan d’émerveillement et de lucidité.

Le compositeur Christophe Fossemalle associe son talent à cette aventure. Au plateau, sept comédiens-musiciens incarneront le chœur des conteurs. Avec eux, le public s’engagera dans un pèlerinage musical, un voyage initiatique et facétieux de la ville à la forêt, des ogres aux princes, des plus grandes bassesses à la suprême élégance du cœur.

Mon impatience est grande de partager avec vous ces histoires.  « Il me semble que le sommeil met 1000 ans à gagner le lit d’argent que le fleuve d’Inde lui prépare… »

Omar Porras

« Alors la vieille, qui n’avait pas la langue dans sa poche et n’aimait pas qu’on lui chatouille la croupe, se tournant vers le page, l’entreprit ainsi : « Ah, chenapan, fripon pisseux merdeux, culeron sans cervelle, saltimbanque à grelots, graine de potence, âne bâté ! Voyez-vous cela ! Les poussins aussi ont des prétentions ! Que la peste t’étouffe et que ta mère l’apprenne ! Puisses-tu ne pas passer le printemps ! Puisses-tu crever d’un coup de lance catalane, ou mieux, étranglé par une corde pour que ton sang ne coule pas ! Maux de la terre, sus au morveux, toutes voiles dehors ! » »

— Giambattista Basile, Le Conte des contes ou Il Pentamerone (trad. Françoise Decroisette)

Le spectacle du Teatro Malandro est une libre adaptation de Lo Cunto de li cunti, de Giambattista Basile. Ecrit en dialecte napolitain et publié entre 1634 et 1636, ce récit est également connu sous le nom de Pentamerone, en référence au fameux Décaméron de Boccace. Contrairement au chef d’œuvre de Boccace, dans lequel dix jeunes Toscans racontent cent histoires pendant dix jours, le Pentamerone met en scène des conteurs devant narrer cinq histoires différentes, chaque jour, pendant cinq jours. Ces histoires, souvent les plus anciennes versions existantes de contes bien connus – tels que Cendrillon, Le Chat botté, Peau d’âne, Blanche Neige, etc. – sont elles-mêmes enchâssées dans un récit-cadre, celui de l’héroïne Zoza, une princesse incapable de rire et pour laquelle le roi de Vallée Velue, son père, décide de faire construire une fontaine d’huile dans la cour, dans l’espoir que la vue des gens glissant et chutant à terre fasse rire sa fille. Lui-même un conte de fées, ce récit-cadre combine bon nombre de motifs qui apparaissent dans d’autres histoires du recueil. Suivant l’idée émise par Jean-Paul Sermain, nous considérons en effet que « chaque conte n’est jamais qu’une sorte de sélection dans un fonds immense, opérant des transferts, greffes, ajouts, transformations, suppressions, expansions, modernisations diverses » [1].

Giambattista Basile était fasciné par la vie des Napolitains, par les dialectes de sa région, les contes de fées et autres superstitions et folklores qui y prévalaient. La tradition carnavalesque n’y est pas pour rien non plus dans son traitement burlesque et très explicite des contes : son but premier, avoué, était de faire rire, notamment l’élite de la cour de Naples, à laquelle Basile n’hésita pas à s’adresser en dialecte napolitain pour la toute première fois à travers son Pentamerone.

Avec ce spectacle hors normes, le Teatro Malandro propose un retour aux sources de la théâtralité populaire : à travers son goût du baroque, ses émotions fortes et ses situations extrêmes, l’univers du conte est un terrain de jeux aux mille attraits qui s’inscrit dans la lignée de spectacles aussi variés que Les Fourberies de Scapin ou El Don Juan. Le langage du corps est exalté, le théâtre devient un exutoire de nos peurs et de nos désirs, le geste peut y primer sur la parole et la musique accompagner le climax comme au temps du cinéma muet. Le monde magique du conte, avec la diversité de ses atmosphères, de ses personnages, de ses registres, est une galerie où tout est possible, où l’illusion théâtrale nous fait traverser à toute allure dans un joyeux mélange le sanguinolent, le burlesque, le macabre et l’érotique.

 

[1] Sermain, Jean-Paul, « La face cachée du conte », Féeries [En ligne], 1 / 2004, mis en ligne le 29 mars 2007, consulté le 3 septembre 2019. URL : http://feeries.revues.org/64