Quelqu’un dit.

Il y a de la place. Pour toi, pour moi, pour nous. Ça devient vrai quand on y pense, quand on le pense, quand on s’en persuade et qu’on persuade les autres. Voici une chose à dire : il y a de la place. L’espace est malléable. On peut se pousser dans la rame de métro. On peut se serrer sur le banc. On peut se prendre dans les bras. Ça fait de la place. Essaie. Si tu t’approches de quelqu’un et que tu enlaces cette personne, vous ne prenez plus que très peu de place – deux corps en un, oui. C’est la fusion des êtres, le retour à l’originel, non séparé, avant toutes chutes. Ça fait de la place, à l’intérieur et à l’extérieur. Ça se voit ou ne se voit pas. Tout à coup ça troue le ciel, ouvre des mondes insoupçonnés. Voici l’autre, la peau de l’autre, la fin d’une solitude. Cette proximité, ce rassurement, cette chaleur produit un choc, comme un barrage cède : fracas d’eau furieuse. Tout à coup il fait chaud et humide. Les Tropiques. Il y a de la place, beaucoup de place. Il n’y a jamais eu autant de place en toi, face à toi, c’en devient indécent, comme si tu possédais la planète entière, avec ses dépendances, comme si tout l’espace était tien et que tu pouvais l’offrir, le partager, avec une personne ou un million. La place est là.

Extrait de Ma Ralentie, recueil de prose poétique appuyé sur Henri Michaux, inédit.