On a vendu ses monts.

Tu n’as rien à vendre. Tout à donner. Les gens se méfient quand ce n’est pas à vendre. Ah ? C’est à donner ? Du coup, ça vaut quoi – ça ne vaut rien ? Si on le donne, c’est que ça ne vaut rien. Alors tu pourrais vendre. Mais quoi ? A quel prix ? Tu n’as pas de prix. As-tu même de la valeur ? Alors tu décroches le panneau à ton cou et tu traces « à donner » et tu inscris « à vendre » et tu attends, dans le flot des passagers du temps. Certains s’arrêtent. Certains te dévisagent. Pourquoi ce n’est plus à donner ? A donner j’aurais bien voulu – mais si on sait que c’était à donner avant et qu’à présent c’est à vendre, non ! Quelle arnaque… Alors tu retournes le panneau et sur l’envers tu écris « à vendre ». Tu te replaces dans le flot du temps. Une personne dit : combien ? Tu réponds : ce que tu veux. Ah, c’est à la tête du client, pour faire monter les enchères, c’est ça ? Tu réponds que non, tu ne t’y connais pas vraiment avec les prix… Les prix de quoi ? Du… marché ? C’est comme ça qu’on dit ? Vraiment, tu ne sais pas ce que tu veux, ni ce que tu vaux ! Tu es obligée d’en convenir.

Extrait de Ma Ralentie, recueil de prose poétique appuyé sur Henri Michaux, inédit.