Le Bal

Le premier jour nous avons inventé une histoire. Nous nous sommes installés dans la loge hommes. Nous avons échangé des idées. Emmanuelle, Domenico, Fabrice et moi.

Pourquoi pas un voyage au Brésil, plus précisément le retour d’un voyage au Brésil, puisque l’histoire se passerait à Renens ? Mais avec des déités du candomblé, des orishas, divinités de la terre et du ciel. Ce serait peut-être l’histoire de deux frères. L’un des deux aurait une petite fille avec laquelle il vivrait seul – non, il l’aurait confiée à son frère et il reviendrait la chercher… Et s’il s’agissait plutôt d’un couple, un homme, une femme – Claude et Isabelle – avec une fillette de cinq ans ? D’accord : le couple, la petite fille. Clara voudrait un petit frère. L’homme voudrait encore un enfant – mais la femme n’en voudrait plus, absorbée par son job – quel job ? Dans les relations publiques ? Du lobbying pour une grande boîte ? Et si Isabelle avait plutôt sa propre agence de pub ? Une entrepreneuse – ok. Claude, ce serait Monsieur Météo à la RTS. Un personnage public mais d’aura moyenne – une sorte de célébrité au rabais. Qu’arriverait-il à ce petit couple aux ambitions variables ? Un truc incroyable ! Cet homme tomberait enceint. Ce serait le premier homme au monde à réellement tomber enceint, engrossé par sa femme – grâce à la magie des orishas, plus particulièrement de Yemaya, la déesse de la fécondité, ramenée du Brésil comme poupée par Clara… Claude traverserait toutes les étapes d’une grossesse (prise de poids, étours, hypersensibilité entre autres). Adviendrait le moment où il devrait annoncer à sa femme qu’il est enceint. Arriverait le moment où Claude accoucherait, dans les bois du Jorat, sous la neige, entouré par les orishas, par son nombril, d’un petit garçon…

Le second jour, après l’avoir imaginée, nous avons écrit cette histoire. Emmanuelle, Domenico, Fabrice et moi. Le soir même nous l’avons lue et nous avons dansé sur des rythmes latinos endiablés. La fête fut belle, le théâtre transformé, le bar clandestin, les danseurs exaltés.

Odile Cornuz, semaine du 16 mai 2016