Banana

Pourquoi l’Irlande pour commencer ?

Ah oui Beckett est irlandais c’est vrai

Voici d’où a surgi cette torche lucide

Paquet de nerfs et muscles au regard perçant

Traversant les langues et les années

 

Il naquit là où Swift était né et mort avant lui

Vous savez Jonathan Swift

Qui composa une Modeste proposition

Solution radicale à la pauvreté des catholiques

Qu’ils mangent donc leurs surnuméraires nourrissons

Ou en fassent commerce tout autant

Leurs finances s’en porteront mieux

Voici la clé d’un peuple heureux

 

Swift montait en chaire dans la cathédrale Saint Patrick

Où il voyait les hommes s’endormir

Les considérant sans jugement

Au moins là il faisait chaud un moment

Voici donc une fonction des religions

Réchauffer les gens assurément

 

L’arme de Swift était l’ironie

Les mots créaient les débats

Mais le concret des possibles aussi

Comme ouvrir un asile pour les fous

D’hier et d’aujourd’hui

Prendre de l’avance sur la mort

Inscrire son œuvre quelque part

 

« Peanuts ! » me direz-vous

Ou pire « bananas ! »

Mais ce sont des aliments nourrissants

Vous devriez en manger

Avant de ne plus avoir de dents

En attendant quoi ?

En attendant la pluie

Celle qui s’abat sur l’Irlande en tout temps

Le crachin puis le soleil

Dans la seconde qui suit

 

Ainsi l’homme Beckett se compose

Collé à plusieurs pays

Collé à plusieurs langues

Collé de désespoirs divers

Celui de l’humain surtout

Mais qu’est-ce que ça fore en soi ?

 

Survolons les homonymes

Voici la nef d’une autre cathédrale

Celle de Canterbury

Britannique scène du crime

Meurtre de l’archevêque Thomas Becket

Qui ne prend qu’un seul « t »

Mais aussi un coup d’épée au travers du corps

Les sbires d’Henri II ne l’ont pas loupé

Le 12e siècle n’est pas tendre lui non plus

Avec les ennemis du pouvoir

 

Quand on vous dit Irlande

Qu’est-ce qui surgit en vous ?

Une Guiness bien fraîche

Brassée au centre de Dublin

Institution familiale

Tradition centenaire

Mâtinée d’anecdotes

 

Guiness cherchait un nouveau slogan

Et mandata un auteur de renom

Qui accepta la commande

Se faisant payer en quotidiennes livraisons

Pour faire mûrir l’inspiration

Mais au bout de six mois

N’arrivait nulle proposition

Certains pressèrent l’auteur

« Guiness gets you drunk »

Fut l’honnête et seule réponse

Pas au goût des dirigeants

Qui choisirent dès lors un toucan

Pour délivrer un message positif

« Lovely day for a Guiness »

Dans un sourire de banane inversée

 

Le saviez-vous ?

Beckett aurait 111 ans cette année

Tout aussi vieux que le gag

De l’homme qui est sourd d’une oreille

Et a une banane dans l’autre

Absurde vraiment ?

 

Odile Cornuz, novembre 2017